Le partage, une question de point de vue

C’est souvent qu’on me pose la question suivante : N’as-tu as peur de former la concurrence avec tes formations ?

Questionnement légitime et compréhensible que je me suis moi même posé régulièrement : Pourquoi diffuser les connaissances que j’ai apprises et mises si longtemps à acquérir ? Si je partage ce que j’ai, qu’est ce qui fera ma différence ? Si je donne, qu’est ce que je reçois ? Ne suis-je pas en train de couper la branche sur laquelle je suis assis ?

A ces questions, on peut avoir tendance répondre par la défensive en se protégeant, en essayant de conserver et préserver la situation actuelle. Mais est-ce le bon comportement face à un environnement qui change?
Cela me rappelle le livre « Who moved my cheese ? », qui explore les principes et conséquences d’une attitude statique et celles d’une attitude dynamique.

Lors d’un atelier de Euviz 2014, sur les modèles de pensées avec David Sibbet et Myriem Le Saget, David nous décrit cette différence d’attitude. Pour décrire l’une, il se met à sautiller d’un pied sur l’autre tout en restant sur place et en répétant : « Good – bad – good – bad … » puis, pour l’autre,  il se déplace dans la salle en sautant d’un pied sur l’autre en disant « What is next ? ».

Un jour, lorsqu’arriva la fin d’une formation aux techniques de visualisation, un des stagiaires a partagé avec tout le monde cette réflexion : « Maintenant je comprend que c’est un vrai métier ! ». Plutôt surprenant pour quelqu’un qui travaillait avec des facilitateurs graphiques depuis plusieurs années! Cette personne qui aurait pu se passer de la présence d’un facilitateur graphique après avoir acquis les outils et réflexes adéquats, a finalement mieux compris ce que nous faisons. Je ne doute donc pas que les interactions qu’il a maintenant avec les facilitateurs graphiques sont plus constructives et qu’il est en mesure de nous challenger et donc de nous faire évoluer…

Il y a 14 ans, j’ai rencontré la méthode de travail collaboratif MGT . Cette approche collaborative du travail utilise beaucoup de visuels. Je me rappelle encore la fois où, après deux jours de travail avec cette méthode, on m’a glissé un marqueur dans la main et on m’a poussé vers un tableau blanc devant 50 personnes en me disant : « maintenant, tu captures la discussion que nous allons avoir » !

Il m’a fallu plusieurs années d’expérimentations empiriques, de loupés, de questionnements, de recherches pour comprendre les bases de cette pratique de visualisation.

Depuis 6 ans, je travaille à formaliser mes apprentissages en éléments théoriques et pédagogiques pour pouvoir les transmettre aux personnes qui souhaitent entrer dans le monde de la visualisation. Je souhaite ainsi pouvoir leur faire gagner du temps et leur donner des bases solides à partir desquelles leurs propres explorations et apprentissages deviennent possibles.

Vous pouvez pêcher pour nourrir quelqu’un ou lui apprendre à pêcher pour qu’il puisse se nourrir. Nous connaissons bien cet adage mais il peut apparaître simpliste si on s’arrête là dans son interprétation. Pour aller plus loin, le mode d’enseignement choisi va déterminer le degré d’autonomie que la personne va acquérir et donc sa capacité à pêcher uniquement dans les mêmes conditions ou à adapter sa technique de pêche en fonction du contexte et des conditions changeantes de son environnement.

Le travail pédagogique que je mène est développé dans un seul but : donner de la confiance aux personnes, partager avec elle des repères et principes qui leur permettent de mener une réflexion et de faire des choix. Donc de les rendre autonomes.

En début de la conférence Euviz 2014 à Berlin, David Sibbet, fondateur de The Grove a partagé deux postures possibles concernant notre connaissance et l’expansion des pratiques visuelles: « You can compete and defend or you can share and lead ».

Pour moi, partager et enseigner son savoir, c’est passer de « je montre ce que je sais faire » à « j’explique ce que je fais ». C’est changer de point de vue. C’est avoir une nouvelle perspective, c’est ouvrir de nouveaux champs de réflexions, c’est créer les conditions de nouvelles compréhensions. C’est se donner l’opportunité de faire de nouvelles découvertes, d’avoir de nouvelles idées. C’est permettre aux autres et à soi-même de grandir.

Alors, What is next ?

 

Votre avis sur la connaissance et le partage nous intéresse. Quel est votre point de vue ?

Cet article fait suite à l’article sur Euviz

Commentaires (5)

  • Boré Valentin

    Salut Nico;
    Super article. Dis moi la prochaine fois que tu passes en Asie… Il y a toute une communauté de jeunes scribers talentueux et très avide de théorique et de réflexions sur leur pratiques.
    biz
    Valentin

  • Bonjour Valentin,
    Merci pour ton commentaire.
    L’Asie, c’est graaaaannd… tu pense à une région en particulier?
    EN tout cas, ce sera avec plaisir!

  • Bonjour Nicolas,
    Très intéressant, effectivement, et concret. Grâce à ta formation, je gravite entre le graphic recording, et peu à peu j’investis des territoires nouveaux : vidéo scribe, et la semaine dernière, interprétation d’un spectacle de théâtre joué quasiment dans le noir et faisant appel aux autres sens que la vision. Le fait de devoir le traduire visuellement était une expérience vraiment nouvelle et intéressante, que j’avais imaginé et osé proposer grâce au petit vécu accumulé depuis l’année dernière. Appropriation, rebond, prise de risque…et plaisir avant tout!
    Olivier

  • Nathalie Bigand-Mirou

    Bonjour Nicolas,
    Je suis totalement d’accord avec vous! L’apprentissage ne peut se faire que par le partage, l’échange et par le biais d’un accompagnement autonomisant.
    Vous devez être un excellent formateur!
    Je viens de commander l’ouvrage collectif auquel vous avez participé : l’encyclopédie visuelle et je vais essayer de l’utiliser pour construire un outil de réflexion collaboratif et collectif pour mes élèves de lycée (futurs créateurs). Je n’hésiterai pas à partager avec vous, si ça vous intéresse, le fruit de ce travail.
    Merci encore pour votre article.
    Nathalie

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